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Des alternatives aux HLM


Ce ne sont pas des logements sociaux, mais ça y ressemble fortement. Pour loger ceux qui ne parviennent à accéder au parc privé sans pour autant prétendre au logement social, les maires rivalisent d’ingéniosité. Quitte à contourner les critères d’attribution des logements sociaux.

Logements sociaux au pied du phare
Des anciennes habitations de gardiens de phares réhabilitées en HLM sur l'île de Batz

Des logements communaux à prix sociaux


Il n’existe pas de juste-milieu sur les îles. Le prix du foncier a explosé et le parc privé est inaccessible pour une partie des résidents à l’année. Souvent, ils ne peuvent pas prétendre à un logement social car leurs revenus sont trop importants. Sans compter que les habitations libres viennent à manquer... Les maires ont donc recours aux logements communaux. Plus abordables que le parc privé, ces appartements ou maisons appartiennent à la mairie. Ils permettent de combler un manque de logements sociaux. Une solution coûteuse pour les municipalités, qui doivent en assurer la gestion et l'entretien. Pourtant, certaines îles n’ont pas le choix pour loger leurs habitants. C'est le cas à Houat. « Les critères des logements sociaux en termes de revenus sont tellement bas, qu’on ne peut pas les proposer à des personnes ou des couples qui travaillent sur l’île et qui ont des situations d’un niveau moyen, explique Andrée Vielvoye, maire de la commune depuis 2014. D’où la nécessité de créer des logements communaux, à des tarifs qui sont proches de ceux des logements sociaux, sans cette barrière des revenus pour y entrer. C’est ce que j’ai de mieux à offrir. »

En 2016, Audrey Le Hyaric s’est installée à Houat grâce à un logement communal, situé en face de la mairie. Après plusieurs années sur le continent, cette îlienne d’origine est revenue vivre dans la commune, avec son conjoint et ses deux filles. « Aucun Houatais ne peut plus construire ici, explique-t-elle. C’est trop cher. »

Logement
Le logement d'Audrey Le Hyaric, situé face à la mairie de Houat.

Du côté d’Ouessant, d'après le maire Denis Palluel, «  plus de la moitié » des 53 logements à tarif social sont des logements communaux. Parmi lesquels une maison médicale :« On a installé un médecin au rez-de-chaussée et on a fait des gîtes à l'étage. Ce ne sont pas des logements à l’année : ils sont dédiés aux intervenants de la maison de retraite ou aux infirmières. » Dans la plupart des cas, ce sont des bâtiments réhabilités, « parce que faire des constructions neuves, c’est très compliqué ». Et qui dit rénovation dit parfois mauvaise isolation. Elena Le Noret, 22 ans, a habité un logement communal pendant son contrat de professionnalisation à l’office de tourisme d’Ouessant. Si elle reconnaît avoir eu de la chance de l’obtenir, elle décrit un habitat insalubre.

En dernier recours, le « téléphone ouessantin » fonctionne bien. « Il reste toujours la solidarité entre îliens, explique Pauline Borda, la collègue d'Elena. On ne laisse pas les gens dormir dehors. Il est déjà arrivé que des résidences secondaires inoccupées servent de toit temporairement, par exemple. »

Des terrains à un euro

Si la mise à disposition de logements communaux est une solution efficace, ils restent à la charge de la mairie. Une situation qui n’est « pas vivable sur le long terme » selon Denis Bredin, directeur de l’association des îles du Ponant. À Bréhat, le taux de logements secondaires grimpe jusqu'à 80%. La mairie envisage donc de louer ses terrains pour un euro symbolique, à une condition : que les acheteurs y construisent des logements.


L'idée séduit plusieurs communes bretonnes. «  On louerait le terrain pendant 99 ans », explique Marie-Louise Rivoalen, adjointe aux affaires sociales à la mairie de Bréhat. Un bail « emphytéotique » qui permettrait aux habitants d’accéder à l’autonomie. «  La commune louerait un terrain à des particuliers pour l’euro symbolique, sur lequel ils pourraient construire une maison, ils seraient donc propriétaires et pourraient revendre. Mais au bout de 99 ans le tout reviendrait au gérant de la commune ». Pour la mairie « c'est une façon de garder la main mise sur le foncier ».


Car le problème des logements secondaires persiste. « Il y a quelques années, nous avons cédé des terrains à de futurs propriétaires. Mais au bout de quatre ans, les acheteurs l’ont revendu et la maison est désormais une résidence secondaire », regrette l’adjointe au maire. Une situation que ne souhaite plus revivre le corps municipal : « En louant les terrains pendant 99 ans, nous savons que la maison nous reviendra ». Pour le moment, cette idée n’est qu’un projet, mais la mairie semble bien décidée à tenter l’expérience.

Un logement participatif pour optimiser l'espace

Quand la place vient à manquer, il existe une solution pour en économiser : partager une partie de son habitation avec un autre foyer. Dominique Sicher envisage sérieusement cette option. Celui qui fait visiter les alentours de Bréhat sur son voilier habite actuellement en logement social sur l'île. Avec une autre famille, il a contacté la mairie pour acheter un terrain et y construire deux maisons avec des pièces en commun, comme la buanderie. Une solution pour gagner de la place et libérer un HLM.

Faire du neuf avec du vieux

Que faire quand les terrains libres manquent ? Une solution : la réhabilitation de bâtiments qui n’ont plus d’utilité. Sur les îles, les lieux ne manquent pas. Dans le bourg d'Ouessant, l’ancien collège a été transformé en logement social, tout comme le grand presbytère quelques mètres plus loin. De la même manière, à Groix, plusieurs hameaux très fréquentés jusque dans les années 1970 ont été abandonnés. Les écoles de ces quartiers sont donc devenues des habitations à loyers modérés.


À Ouessant et Batz, ce sont les logements des gardiens de phares - aujourd'hui automatisés - qui ont été transformés en logements sociaux.

Logement
On peut trouver sur les îles des bâtiments anciens qui ne demandent qu'à être réhabilités.

Certains habitants pensent aussi aux logements à l’abandon, souvent des résidences secondaires inoccupées depuis des années. « Il y a plusieurs maisons dans les environs qui tombent en ruine, peste Joël Bousset, habitant de Molène. La mairie pourrait peut-être les saisir ? » Effectivement, selon la loi, une commune peut prendre possession de bâtiments en ruines pour réaliser un projet d'intérêt général. Encore peu utilisée, cette procédure permettrait de créer de nouveaux logements à prix sociaux. Une nouvelle façon d'attirer des habitants à l’année.

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