Retour sur l'île
Retour sur l'île
« Tous les élus souhaitent conserver la loi littoral, c'est une loi de protection indispensable, pose Paul Chapel, fondateur du collectif loilittoral.com. Il milite pour que le texte soit précisé. La justice administrative applique la loi littoral avec plus de fermeté depuis quelques années, ce qui rend beaucoup d'îles presque inconstructibles. » Ce premier adjoint à la ville de Carnac s'est rendu au ministère de la Cohésion des territoires et du logement puis à Matignon pour demander une adaptation de la loi aux spécificités des îles. « Il faut juste préciser ses contours : l'esprit du législateur était d'éviter les tours en bord de mer mais ils sont allés plus loin dans l'interprétation des textes. » Dans les faits, tout ce qui n'est pas en extension par rapport à une agglomération est devenu inconstructible. « Si vous avez un village avec des commerces, vous pouvez construire mais si c'est un petit hameau, vous ne pouvez pas. » Une situation délicate pour des communes qui ont du mal à faire valoir leurs arguments : « De manière générale, il est difficile pour les élus des îles de se faire entendre, parce qu'ils sont beaucoup moins nombreux que les élus des grandes villes ou des territoires ruraux ».
Pour échapper aux interdictions de la loi littoral, les nouvelles constructions peuvent être justifiées dans le plan local d'urbanisme. Ce document, décidé localement, régit les normes de construction. Sur les îles, il mentionne souvent de ne pas ériger de bâtiments de plus de trois étages, pour ne pas dénaturer l'identité architecturale de la commune. Pour autant, le PLU ne prémunit pas contre les recours. « Beaucoup de PLU ont été attaqués, explique le maire de Ouessant, Denis Palluel. Nous, on n’en a pas fait, justement parce qu’on ne pense pas qu’un PLU nous donne une plus grande sécurité par rapport à la loi littoral. » Parfois, les municipalités contredisent leur propre PLU et préfèrent ne rien construire. « La commune de Bangor, à Belle-Île, a été condamnée à payer 130 000 € , détaille Paul Chapel. Le maire avait refusé de délivrer un permis de construire dans une zone urbanisable, par crainte d'être attaqué en justice. »
Contraignant, le PLU n'est pas toujours en accord avec les besoins des îliens. Sur l’île de Batz, c'est bien la municipalité qui l'établit, mais elle doit l’adapter aux directives du Syndicat mixte du Léon. Quand la collectivité décide d’appliquer de nouvelles normes sur tout son territoire, elles ne correspondent pas toujours aux spécificités des îles. Guy Cabioch, maire de l’île de Batz, prend l’exemple du Schéma de cohérence territoriale, le SCOT :
L'intervention de Paul Chapel a porté ses fruits fin mai 2018. L'Assemblée nationale a repris les dispositions qu'il prônait depuis deux ans : les petits hameaux, autour desquels il était auparavant impossible de construire, seront désormais considérés comme des « secteurs déjà urbanisés ». « Ces secteurs déjà urbanisés, définis dans les PLU et les SCOT, pemettent de donner plus de pouvoir aux élus locaux. C'est une disposition qui résout quasiment tous les problèmes de la loi littoral », se félicite-t-il. « Cela évite de chambouler complètement la loi car, à partir du moment où les hameaux peuvent être urbanisés, il sera possible de construire en densité, dans les zones vides qui se trouvent entre eux. » Des aménagements législatifs qui pourraient faciliter la tâche des bailleurs sociaux pour créer plus de logements sociaux sur les îles.