Île Retour sur l'île

Peu de bailleurs sociaux à l'horizon


En France, c'est traditionnellement aux bailleurs sociaux de construire des habitations à loyer modéré (HLM). Mais sur les îles, difficiles d'accès, leurs actions sont souvent restreintes et nettement plus chères à réaliser que sur le continent. Comment remplissent-ils leur mission sociale dans ces conditions ?

Horizon
Les bailleurs ne s'aventurent pas trop sur les îles, d'où le sentiment de délaissement que ressentent certains habitants.

Des constructions jusqu'à 50 % plus chères

La principale contrainte pour les bailleurs est l’accès aux îles par bateau. Cela complique considérablement l’organisation de travail des entreprises prestataires, en charge de l’entretien des logements. « Les déplacements sur les îles sont moins nombreux et plus difficiles à coordonner que sur le continent. Ils sont également plus coûteux », explique Bretagne Sud Habitat, l'un des principaux bailleurs sociaux morbihannais. « Il y a moins de réactivité face aux interventions attendues sur les bâtiments. Mais nous observons aussi que les prestataires locaux se montrent parfois peu enclins à collaborer avec des structures sociales comme les bailleurs. »


Le prix du transport, la recherche de prestataires... Ces difficultés, Andrée Vielvoye les connaît bien. La maire de Houat, élue en 2014, a vu son bailleur social, Bretagne Sud Habitat, s'éloigner petit à petit.

Les maires doivent rendre leurs villes attractives pour attirer des bailleurs sociaux. Pour cela, les communes cèdent gratuitement leurs terrains mais ce n’est pas toujours suffisant. Sur les îles, le coût d'acheminement des matériaux par bateau est 30 à 50% plus cher que sur le continent. Bretagne Sud Habitat relativise ces différences : « On est sur le même mode d’appel d’offres qu’ailleurs, sauf qu’on intègre dans le cahier des charges les contraintes insulaires,  explique un employé de l’organisme.  Quelqu’un qui vient poser des chaudières, on lui impose les mêmes contraintes qu’à celui qui opère sur le continent. » Hormis la contrainte du bateau, le bailleur remarque une autre spécificité : « Il y a un faible taux de rotation. Il y a à peu près 112 logements sur l’Île de Groix, et seuls huit ou neuf se libèrent chaque année. »

Sabrina Cain, comptable à la mairie d'Ouessant et en HLM depuis 2011, fait le même constat : « Mes relations avec Finistère Habitat sont inexistantes. Je n'ai même pas envie de dire que c'est un bailleur social. Pour moi, ce sont des investisseurs. Ils encaissent l'argent mais quand il y a des travaux à faire, il n'y a plus personne. On les harcèle, il leur faut deux à trois ans pour intervenir. Il y a des fuites d'eau sur le ballon d'eau chaude, le robinet, le lavabo… » Son frère bénéficie également d’un logement social à Ouessant depuis vingt ans. « Ses chauffages sont de vieux grille-pains qui consomment beaucoup, ils ne marchent plus depuis un an », explique-t-elle.

Vue sur la mer
Face à l'usure de leur logement social, les îliens doivent s'armer de patience ou apprendre à se débrouiller.

Des bailleurs qui manquent de souplesse

D'après Sabrina Cain, le bailleur construit des logements réservés aux personnes disposant de revenus très bas, des projets davantage soutenus par l'Etat. Problème : « Sur l'île, tout le monde travaille, et personne ne gagne assez peu pour y accéder. Du coup, c'est le centre communal d'action sociale (CCAS) qui loue ces logements à Finistère Habitat, puis qui les sous-loue aux habitants. » Elle y voit « une opération blanche » pour obtenir des subventions. Contacté, le siège de Finistère Habitat dément avoir de tels logements à Ouessant. Pourtant, d'après le CCAS de la commune, ce sont « tous les logements de l'ancien presbytère » qui sont concernés. Comme ces logements étaient destinés à des tranches de revenus qui n'existent pas à Ouessant, il a fallu « faciliter les installations. Le CCAS s'est proposé de payer le loyer et de refacturer au même prix. Sans le CCAS, tout le presbytère serait resté vide. »

Finistère Habitat est en situation de monopole à Ouessant. Quand des travaux sont à réaliser sur l'île, ce sont bien souvent des entreprises du continent qui sont retenues. « Ensuite, les boîtes du continent sous-traitent les travaux à des artisans de l'île, explique la comptable, agacée par la lenteur des procédures administratives. Quand il a fallu changer mes rideaux, ça a pris un an. En attendant, je devais mettre des serviettes sur les fenêtres. » Ces problèmes sont aussi connus par son amie Pauline Borda, qui travaille à l'Office de tourisme d'Ouessant. Elle habite dans un logement social aménagé dans l'ancien presbytère et préfère ironiser.

Réactifs… « pour le loyer »

Le logement social permet aux locaux de rester vivre sur l’île, mais cela n'empêche pas des conflits avec les bailleurs. C’est le cas pour Gwendalyne Le Douaran, 44 ans. Elle habite en HLM sur l’île de Groix depuis 2002, date à laquelle elle a arrêté son activité professionnelle pour s’occuper de Yanis, son fils handicapé. « À côté, je me suis mis à vendre des créations de bois flotté », raconte celle qui reverse ses bénéfices à l'association qu'elle a créée pour son fils. Elle vit dans ce logement social depuis dix ans mais ne l’apprécie que depuis ses travaux d'aménagement. Son jugement est sévère concernant Bretagne Sud Habitat.

Malgré toutes ces critiques, Gwendalyne nuance ses propos. Elle accepte ces difficultés car son logement lui permet tout de même de rester à Groix : « Clairement, pour des maisons HLM, elles sont jolies, sympas ».

Ces problèmes ne sont pas spécifiques à Groix, Ouessant ou Houat. Dans la plupart des îles bretonnes, c'est un sentiment de résignation qui domine chez les habitants de HLM. Alors, pour faire face à la désertion de ces organismes, des initiatives se mettent en place.

Cliquez sur la boussole pour accéder au menu !