Lors du décès d’une personne à l’étranger, il faut tout d’abord prendre contact avec le consulat du pays où le corps est présent. Le décès doit être constaté (avec l’établissement d’un acte de décès) sur place, et l’ambassade de France doit être prévenue de la démarche. Cette dernière doit délivrer un certificat pour le transport de la dépouille ou de ses cendres. Les proches sont en contact permanent avec celle-ci. Elles·ils fournissent tout ce qui pourra permettre de faciliter la procédure (copie de passeport ou carte d’identité, par exemple).
Pour simplifier les démarches en Europe, un accord a été conclu en 1973 à Strasbourg. Il concerne les États membres du Conseil de l’Europe et implique qu’ils collaborent entre eux dans le cas d’un rapatriement. Comme l’explique l’ambassade de France à Madrid (Espagne), contactée dans le cadre de cette enquête : « Nous accompagnons les familles dans la procédure administrative. Nous faisons l’intermédiaire entre elles, le tribunal et les autorités espagnoles. Les proches devront fournir l’acte de décès espagnol, l’acte de naissance, la carte d’identité du·de la défunt·e, la carte d’identité de la personne qui demande la transcription et la preuve de filiation ». Selon cette source diplomatique (qui a souhaité garder l’anonymat), ce sont les autorités espagnoles qui donnent l’autorisation de départ du cercueil pour la France. Dans le cas d’une mort en Espagne, le consulat aide la famille à faire la transcription de l’acte de décès espagnol en français. Il sera ensuite centralisé au service d’état civil, à Nantes.
La procédure est différente si le décès survient à l’hôpital ou non. « Dans le premier cas nous dirons qu’il s’agit de mort naturelle. Nous vérifierons que la personne est bien de nationalité française, nous informerons sa famille et nous l’aiderons dans ses démarches notamment avec les pompes funèbres. Si le décès ne survient pas dans un hôpital, il y a obligatoirement une autopsie. Un tribunal local est saisi et gère tout le dossier. La police nationale inspecte les lieux et transmet les informations au tribunal », ajoute cette source. Dans le cas d’un·e français·e dont on ne retrouve pas la famille, ou quand celle-ci ne souhaite pas s’occuper du rapatriement, « le tribunal donne l’ordre au funérarium municipal d’incinérer ou de placer la dépouille dans la fosse commune de la ville dans laquelle elle est décédée. Le funérarium ne perçoit rien dans un tel cas».
Lorsque le corps est en revanche bien acheminé vers la France par les proches, elles·ils ont différents services à leur disposition. Ainsi, « chaque avion, en fonction de la compagnie aérienne, a la capacité de loger dans ses soutes un ou deux cercueil(s) », explique la responsable d’Anubis, qui assiste l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle dans ces procédures. Ensuite, une fois arrivé à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle et avant que les pompes funèbres ne réceptionnent la dépouille à la douane, « si les personnes sont croyantes, un aumônier les prend en charge et les conduit dans des lieux de culte pour se recueillir », explique le service communication de la structure.
Pour la prise en charge financière du rapatriement, si le·la défunt·e a souscrit une assurance, il faut se diriger vers celle-ci. Les offres sont propres à chaque compagnie, tout comme les prix proposés. En revanche, l’argent cotisé auprès de cette même assurance sera reversé à l’entreprise de pompes funèbres. Selon France Diplomatie (site Internet du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères), les services consulaires français ont pour mission de transmettre aux proches les « coordonnées de sociétés de pompes funèbres locales et françaises intervenant à l’étranger ». Il doit aussi y avoir un dialogue permanent entre les entreprises funéraires, les services français et l’entourage du·de la défunt·e.
Si la personne décédée n’a pas contracté d’assurance, les proches doivent assumer la totalité des frais. D’après différentes sources, le prix d’un rapatriement peut avoisiner les 6.000 euros. Cela dépend en grande partie du lieu de décès et donc du prix du billet d’avion. Mais il est difficile d’avoir une estimation précise de ce coût, les entreprises de pompes funèbres contactées ayant refusé de répondre à nos questions. Cette somme peut être difficile à réunir, au point que certaines personnes ont recours au financement participatif.
En France, il n’y a pas de cimetières musulmans, mais des « carrés » réservés aux défunt·e·s musulman·e·s. C’est l’une des raisons pour lesquelles ces personnes souhaitent également se faire enterrer ou inhumer auprès de leur famille, bien qu’elle puisse être à plusieurs milliers de kilomètres. Mais ce voyage a un prix. Celui-ci peut être réduit ou entièrement pris en charge par des structures dont c’est la spécialité.Pour faciliter le paiement de cette démarche, certaines associations n'hésitent pas à proposer leurs services lors du processus de rapatriement.
C’est le cas de l’association de la mosquée de Saint-Brieuc, le Centre culturel Averroès. Zoubir Madouri, qui siège au conseil d’administration de celle-ci, a été confronté aux deux cas de rapatriement : avec et sans assurance, pour ses beaux·belles-parent·e·s décédé·e·s en 2015.
Niché dans un coin de son salon, leur portrait surplombe la pièce. « Comme cela ils veillent sur nous », ironise Zoubir Madouri d’un ton calme. Installé à l'extrémité de son imposant canapé, il revient sur les procédures qu'il a dû effectuer lors du décès de ses proches.
Il a d’abord fait rapatrier le corps de son beau-père qui n’avait pas contracté d’assurance. Zoubir Madouri est alors passé par une tierce personne qui a pris en charge le processus de rapatriement « à prix réduit ».
Pour son beau-père, décédé sans assurance, Zoubir est directement passé par une société de pompes funèbres. C’est cette dernière qui s’est occupée d’effectuer les démarches administratives. Elle a dû fournir les pièces justificatives qui ont permis le bon déroulement de la procédure auprès des sources institutionnelles. Copies de passeport, de la carte d’identité et acte de décès établi par le médecin sont ainsi relayé·e·s entre la mairie et la préfecture de Nantes. Le tout a finalement été transmis au consulat algérien de Nantes, qui a autorisé l’entrée de la dépouille sur le territoire algérien.
Le fait de ne pas avoir d'assurance a engendré dès le départ des frais supplémentaires.
Lire la retranscription« Entreposer quelqu’un à la morgue, ce n’est pas gratuit. Pour mon beau-père, on a payé 548 euros car il est resté cinq jours là-bas. Cela doit correspondre à cent et quelques euros par jour. Il est mort le vendredi, on n’a pas pu faire les papiers pour le décès car le consulat d’Algérie était fermé. On a donc dû attendre cinq jours, ce qui fait monter la note. Ces 548 euros ne sont pas pris en charge par l’assurance. Mon beau-père est mort à ma maison, et non à l’hôpital. »
Le trajet pour transférer la dépouille n’a pas été remboursé. Il a donc fallu « payer pour
accompagner la personne décédée », se désole Zoubir Madouri. La note peut donc facilement grimper. Un souci qu’il n’avait pas eu pour la mort de sa belle-mère,
puisque « le prix de deux billets d’avion était en plus pris en charge par l’assurance ».
Lire la retranscription
« Dans les prix, on peut monter jusqu’à 5 000, voire 6 000 euros. C’est soi-disant par rapport aux cercueils qu’il faut équiper d’une certaine manière, mais j’en doute. Je ne comprends pas que des prix puissent être aussi élevés. »
Zoubir Madouri a payé au total « environ 3.200 euros » pour faire rapatrier son beau-père. Une facture qu’il a allégée en faisant appel à la société de pompes funèbres musulmanes de Nantes. Son directeur, Mohammed Bououden, est aussi le président, depuis une dizaine d’années, de l’association du Conseil de la communauté algérienne de Nantes (CCAN). Elle compte environ 1.200 adhérent·e·s qui paient chacun·e une cotisation annuelle de 60 euros. En cas de décès d’un·e des adhérent·e·s qui souhaite faire rapatrier son corps en Algérie ou se faire inhumer dans un carré musulman, c’est avec cet argent que l’association prend tout en charge. C’est elle qui s’occupe de la procédure administrative et du paiement. Ce qui permet « d’enlever un poids à la famille ».
Le dimanche 18 mars 2018, les adhérent·e·s défilent dans les bureaux de l’association. Elles·Ils profitent du week-end pour renouveler leur adhésion. Le président est débordé. À 17 heures, il n’a pas encore eu le temps de manger. « Nous sommes dimanche, je devrais être avec ma femme », plaisante-t-il en soupirant derrière l’imposant bureau de la petite pièce. Entre les dossiers administratifs et les feuilles empilées sur son bureau, il prend le temps d’écouter et de conseiller tout le monde avec bienveillance. Comme Nadia Tabet, qui vient renouveler l’adhésion à l’association pour ses parent·e·s. « Ils sont souvent en Algérie et veulent être enterrés là-bas en cas de décès en France », explique-t-elle.
Mohammed Bououden a fondé il y a trois ans sa propre société de pompes funèbres musulmanes, suite à une formation à Paris. Le but est de se détacher des autres et de proposer des services propres à la communauté musulmane, notamment « les rites et la toilette traditionnelle », précise-t-il. Il affirme également tenter d’offrir « les tarifs les plus bas possibles ». L’association CCAN passe de cette façon par cette société de pompes funèbres.
Pour baisser les tarifs, Mohammed Bououden opère des choix bien précis. Par exemple, il ne fait pas appel à certaines compagnies aériennes qui fixent leur prix en fonction du poids du·de la défunt·e. Plus la personne pèsera lourd, plus le coût du rapatriement sera élevé. Le président du CCAN réduit donc le coût du trajet en faisant appel à des compagnies n'opérant pas de pesées, mais proposant des prix fixes pour le transport des cercueils.
Autre facteur entrant en compte dans la réduction du coût : le lieu du décès. S’il survient à l’hôpital, le cas sera différent d’un décès dans un Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou à domicile. Il y aura des frais de transport en moins. Cela peut faire économiser « jusqu’à 800 euros » sur la note finale, selon Mohammed Bououden. À domicile ou en maison de retraite, il faut faire appel à des transporteurs pour amener les personnes décédées en chambre funéraire, « et ce dans les 24 heures », précise-t-il.
D’un point de vue technique, l’association prend en charge le transport du corps, et ce dès l’appel de la famille, du lieu de décès jusqu’à la destination finale. Arrivée dans le pays d’origine, c’est à la famille présente sur place de récupérer la dépouille.
L’association de Nantes a fait rapatrier 18 personnes en 2017. Un chiffre « pouvant varier selon les années », atteste le président. S’il est possible d’avoir des chiffres de rapatriements à l’année pour cette association, ce n’est pas forcément le cas au niveau national. Selon une source du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, il n’y a pas de données chiffrées permettant de recenser le nombre de personnes se faisant rapatrier. En cause, « les différents cadres réglementaires qui s’appliquent selon les pays du décès », selon cette même source.
Ce qui est en revanche plus sûr, c’est que « l’aide est primordiale pour les rapatriements, comme l’affirme Zoubir Madouri. L’islam nous demande d’aider, et c’est ce que nous faisons dans de telles procédures ». Une aide qui, contrairement aux rapatriements, n’a pas de prix.
Le jardin du souvenir, au centre du cimetière naturel de Souché, où sont dispersées les cendres des défunt·e·s. © Dorian Girard
Niort - Des lignes et encore des lignes. Tout est bien ordonné. Pas une tombe ne dépasse sur l’allée principale en gravier. Dans ce cimetière de Niort, marbres et granits sont fleuris toute l’année. Le rouge écarlate des roses en plastique contraste avec le terne des sépultures.
Au fond, un mur en béton gris et un portail laissent deviner un autre monde. Plus vert. On entraperçoit la cime de quelques arbres dont les branches sont déshabillées pour l’hiver. Une fois passée la porte, les stèles et les graviers ont disparu, remplacés par quelques arbres et une épaisse couche d’herbe. On respire enfin, les poumons libérés de l’atmosphère minérale du cimetière attenant.
Un des éléments de décor au sein du cimetière, fabriqué avec des matériaux de récupération. © Aurélien Defer
« Cimetière naturel de Souché », annonce l’écriteau à l’entrée. Ici, pas de produits phytosanitaires pour l’entretien ni de monuments en marbre. Le premier cimetière « naturel » de France, initié en 2014 par l’agent communal Dominique Bodin, a été pensé en rupture avec les pratiques polluantes des cimetières traditionnels, tant sur les modes de funérailles que sur l’utilisation de produits d’entretien nocifs.
Dans le cimetière « naturel » de Souché, plusieurs modes de funérailles sont possibles tant qu’ils respectent certaines règles écologiques, non obligatoires. Ève-Marie Ferrer, paysagiste à la mairie de Niort, et Amanda Clot, responsable des cimetières, défendent une charte d’engagement des familles à laquelle les parent·e·s des défunt·e·s doivent adhérer. Le cimetière de Souché se veut être un endroit « où l’on peut reposer de la manière la plus écologique possible », justifie Ève-Marie Ferrer. Depuis sa création en 2014, le cimetière a accueilli 67 personnes décédées.
Toutefois, l’application de la charte ne se fait pas encore à la lettre. Les quatre ans d’existence du cimetière n’ont pas permis de le rendre totalement écologique. La responsable du service cimetières et crématorium de la ville admet que le contrôle des cercueils et de leur respect des normes écologiques ne s’effectue qu’en cas d’inhumation. Pour la crémation, « on ne vérifie pas » si les cercueils ont été traités avec des produits polluants, signale-t-elle.
D’ailleurs, au fil des sépultures, on remarque que certaines personnes sont décédées avant la création du cimetière en 2014. Amanda Clot explique que leurs dépouilles ont été transférées d’un cimetière traditionnel vers celui-ci. Or, certaines règles concernant la préservation de l’environnement sont complètement différentes, comme le traitement et la composition du cercueil, les vêtements du·de la défunt·e en tissus biodégradables, etc.
67 personnes reposent au cimetière « naturel » de Niort. © Aurélien Defer
Bien que le cimetière de Souché ne soit pas encore parfaitement écologique, il amène d’autres villes françaises à s’interroger. Dans les Deux-Sèvres, la commune de Perigné s’est largement inspirée du modèle niortais et a adopté depuis deux ans une charte semblable.
Amanda Clot voit en cette évolution un signal positif pour l’écologie dans le secteur funéraire. Aujourd’hui, d’autres pratiques plus respectueuses de l’environnement existent mais sont pour la plupart illégales en France :
Ce procédé, illégal en France, fait débat dans le secteur funéraire. Il consiste à déposer le corps d’un·e défunt·e dans un compost. Après une période d’un an, ce dernier est transformé en humus, c’est-à-dire une sorte de terreau provenant de la décomposition animale ou végétale. Par l’absence de cercueil, de traitement ou d’incinération, ce procédé éviterait les pollutions aériennes et des sols.
Toutefois, des réticences subsistent, notamment sur la manipulation des corps. Amanda Clot, responsable des cimetières de Niort, ne se voit pas encore gérer ce type de pratiques funéraires. « Je ne sais vraiment pas comment je ferais », confie-t-elle en faisant référence à la nécessité d’un terrain spécifique et protégé de l’extérieur.
À l’intérieur d’une machine, le corps est placé dans de l’azote liquide à -196°C puis réduit en petits résidus. Ils sont ensuite séchés puis filtrés et les cendres placées dans une urne biodégradable. On retrouve ce procédé en Suède, en Écosse, en Australie ou encore en Afrique du Sud.
L’hydrolyse alcaline permet de réduire le corps humain en une solution aqueuse, ne laissant intact que les os et les phosphates. La méthode est la suivante : le corps est déposé dans une machine, puis sont ajoutés eau et hydroxyde de potassium, le tout chauffé à 140°C. Aucune pollution de l’air n’est dégagée et le procédé n'utilise qu'un douzième de l'énergie nécessaire à la crémation traditionnelle.
Pour la responsable des cimetières niortais, ces interrogations sur l’avenir du funéraire doivent être « rapidement » prises en compte par « nos dirigeants » : « On n’a plus beaucoup de foncier. Si l’on ne veut pas que nos villes deviennent des cimetières géants, il va falloir trouver d’autres solutions ».
L’inhumation et la crémation sont les deux seuls procédés funéraires autorisés par la loi. Ils sont la source d’une pollution pour l’environnement qu’il est toutefois possible d’atténuer. Comment ? Penchons nous sur trois réflexions actuelles concernant l’écologie, la crémation et l’inhumation.
Il est possible de réduire l'impact de la mort sur l'environnement à travers les choix faits par le·la défunt·e ou sa famille. Ces éléments sont en partie repris par la charte du cimetière « naturel » de Souché, à Niort.
<Au cimetière naturel de Souché, les cendres des défunt·e·s sont dispersées ou enterrées dans
des urnes
biodégradables. © Aurélien Defer
Au niveau du type de cercueil, premièrement. Un cercueil en bois non traité sera plus respectueux de l'environnement. Un autre type de cercueil est également mis en avant pour ses vertus écologiques : le cercueil en carton. Néanmoins critiqué par plusieurs crématoriums pour sa dangerosité, il est la source de nombreuses polémiques au sein du monde funéraire.
La thanatopraxie est une autre source de pollution. Il s’agit des soins apportés aux défunt·e·s pour la conservation des corps. Un produit est particulièrement en cause : le formol. Il est classé cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer depuis 2004. Le formol contribue aux rejets de gaz nocifs lors de la crémation appelés dioxines. Dans le cas de l'inhumation, le formol est susceptible de contribuer à la pollution des sols, bien qu’aucune étude ne permette de l’affirmer à ce jour.
Une analyse environnementale comparative de la crémation et de l’inhumation en Ile-de-France a été publiée en octobre 2017, sur commande des services funéraires de la ville de Paris. Cette étude se veut exhaustive en recensant le type de cercueil, le transport du·de la défunt·e, ou encore, la gestion du cimetière. Sa principale limite est de ne pas prendre en compte la pollution liée au formol utilisé lors de la thanatopraxie.
Selon cette étude, une inhumation équivaut en moyenne à 3,6 crémations en CO2 équivalent (unité mesurant l'effet de serre). La crémation est donc, la plupart du temps, plus respectueuse de l’environnement.
Mais les impacts d'une inhumation sont très variables en fonction du mode de sépulture. Un scénario pleine terre (sans caveau) sans monument verra ses impacts plus faibles que ceux d’une crémation. C'est le processus de fabrication du béton pour les caveaux et les monuments qui libère le plus de gaz à effet de serre.
Si une famille ne veut pas nuire à l’environnement tout en choisissant une inhumation, elle devra opter pour une tombe sans caveau et sans monument. On parle d’un enterrement en pleine terre. C’est le schéma reproduit au cimetière « naturel » de Niort. Mais il est possible d’être inhumé de cette façon dans n’importe quel autre cimetière.
En 2006, une étude de l'Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) s'intéressait à la pollution émise par les crématoriums. Plusieurs gaz nocifs sont en effet rejetés au moment de la crémation : du monoxyde de carbone (CO), du dioxyde de soufre (SO2), de l'oxyde d'azote (Nox) ou encore des poussières. L'autre objectif de cette étude était de mesurer les rejets de mercure et de dioxines, pour lesquels il n'y avait alors pas de réglementation et dont les émanations sont potentiellement toxiques.
L'étude avait finalement estimé les risques négligeables, notamment dans le cas du mercure et des dioxines. Le besoin principal est de réguler les rejets de poussière qui sont, en moyenne, 80 % au dessus du seuil autorisé.
Le 28 janvier 2010, un arrêté a redéfini les quantités maximales de polluants autorisées dans les gaz rejetés dans l'atmosphère lors de la crémation. Une réglementation a également été créée concernant le mercure et les dioxines. Conformément à cet arrêté, les crématoriums devaient se munir d'un système de filtration dans un délai de 8 ans, soit au plus tard le 16 février dernier.
« Grâce au système de filtrage, les rejets des crématoriums se limitent quasiment à de la vapeur d'eau. Les risques étaient déjà minimes, ils sont désormais inexistants. » Patrick Lançon, secrétaire général de la Fédération française de crémation
Selon la Fédération française de crémation, 20 % des crématoriums n'en sont actuellement pas pourvus. La plupart sont en cours d'équipement. Les autres vont être amenés à fermer, faute de moyens financiers suffisants : le système de filtration coûte environ 250 000 euros et peut même monter jusqu'à 500 000 euros.
Les gaz rejetés lors de la crémation sont accumulés dans des conteneurs puis traités par des sociétés spécialisées. « Les rejets se limitent quasiment à de la vapeur d'eau, estime Patrick Lançon, secrétaire général de la Fédération française de crémation. Les risques étaient déjà minimes, ils sont désormais inexistants. » Concernant le mercure, Airparif (organisme français agréé par le ministère de l’Écologie) avait mesuré, en 2011, les rejets du crématorium du cimetière du Père-Lachaise, déjà équipé d'un système de filtration. Airparif estimait ces rejets largement en deçà des limites fixées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de celles exigées par la réglementation française.
Que penser du cercueil en carton ? C'est un des plus gros débats du monde funéraire. Destiné à la crémation, il est souvent décrit comme un produit novateur et respectueux de l'environnement, mais de nombreuses interrogations subsistent à son sujet. « Une des meilleures idées du marché », pour Nicolas Dupont, un des ancien·ne·s gérant·e·s de la défunte société Art coffins. « Un contre-exemple de bienfaits écologiques », pour Patrick Lançon, secrétaire général de la Fédération française de crémation.
Les points de discorde ne manquent pas. Selon l'article R2213-25 du code général des collectivités territoriales, une entreprise souhaitant commercialiser des cercueils en carton a besoin d'un agrément du ministère de la Santé. Cet agrément est délivré suite à un avis favorable de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses). Selon quelles modalités ? « La réglementation n’est pas très précise sur les exigences, elle demande des critères de combustibilité, résistance, étanchéité, biodégradabilité et de composition, sans toutefois les définir », indique Audrey Malrat-Domenge, cheffe de projet à l'Anses.
Une fois l'agrément obtenu, les sociétés concernées sont autorisées à vendre leurs cercueils en carton. Pour autant, selon l'Anses, ni les pompes funèbres, ni les crématoriums n'ont l'obligation de les accepter. « C'est un bien de consommation. On ne fait qu'autoriser une mise sur le marché », poursuit Audrey Malrat-Domenge. Un constat férocement démenti par Brigitte Sabatier, gérante de la société Ab crémation : « J'ai reçu l'agrément le 13 septembre 2016. Légalement, les crématoriums ne peuvent plus refuser mes cercueils [elle exclut les sociétés de pompes funèbres. La société Art coffins considère quant à elle que ces entreprises ne peuvent pas non plus refuser les cercueils en carton, ndlr]. Autrement, je saisis la direction des fraudes (DGCCRF). » Contactée, cette dernière a estimé que la législation concernant les cercueils en carton ne relevait pas de sa compétence.
Les cercueils en carton doivent recevoir un agrément du ministère de la santé avant d'être commercialisés. © Aurélien Defer
Les revendications d'Art coffins et Ab crémation semblent concorder avec la loi. Selon l'article 433-21-1 du code pénal : « Toute personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a connaissance, sera punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ». Pourtant, selon l'Anses, un cercueil en carton ayant reçu l'agrément peut bien être refusé sans aller à l'encontre de la législation. « Certaines pompes funèbres et certains crématoriums les acceptent, explique Audrey Malrat-Domenge. Les autres peuvent très bien refuser ce type de cercueil en proposant aux familles de se diriger vers d'autres entreprises qui les accepteraient. »
Si les crématoriums refusent parfois les cercueils en carton, c'est notamment parce qu'ils y accordent peu de fiabilité. « Ces cercueils sont dangereux. Parfois, ils s’enflamment avant d'entrer dans le four, ou alors ils restent accrochés au bras mécanique. Certains crématoriums les refusent donc systématiquement, pour protéger leur personnel », souligne Patrick Lançon. Les cercueils en carton font l'objet de nombreuses rumeurs. « Ce n'étaient peut-être que des bruits de couloirs, mais les crématoriums étaient plutôt incités à refuser le carton. », raconte Amanda Clot, responsable du service cimetières et crématorium de la ville de Niort.
Des doutes subsistent également sur le caractère écologique de ces cercueils. Les fabricants vantent un matériau qui ne nécessite pas de déforestation. Chez Ab crémation, le carton est 100 % français : « Il n'y a aucune traçabilité du bois en France, insiste Brigitte Sabatier. Si ce bois vient de loin, son transport peut dégager une pollution supplémentaire ». Ce constat était bien moins évident pour Art coffins, qui faisait venir son carton d’Asie. Sans nier ces problèmes de traçabilité, Patrick Lançon suggère de « s'orienter vers des cercueils en bois non traités favorisant des circuits courts utilisant du bois français ».
Concernant la crémation en elle-même, les cercueils en carton nécessitent « d'injecter davantage de gaz pour que la combustion se déroule bien, donc la pollution est plus importante », note Patrick Lançon. Selon une étude des services funéraires de la ville de Paris, la crémation d'un cercueil en carton rejette plus de dioxyde de carbone équivalent que celle d'un cercueil en bois, même si les cercueils en carton ayant servi à l'étude ne sont pas clairement identifiés. On sait simplement que le carton A vient d’Asie (voir infographie). L'Anses, pour sa part, n'est pas en mesure de confirmer ou d'infirmer les vertus écologiques du cercueil en carton. Ce paramètre n'entre pas en ligne de compte lors de l'attribution d'un agrément.
L'attribution de cet agrément, justement, pose question. La défiance du milieu funéraire et les refus d'accepter les cercueils en carton sont-ils justifiés si ces derniers ont été approuvés par l'Anses ? « C'est difficile à trancher, admet Audrey Malrat-Domenge. Tout ce qu'on peut dire, c'est que dans d'autres pays cela fonctionne très bien ». À Niort, les cercueils en carton sont acceptés sans que cela ne pose de problème. « Aujourd'hui, je ne vois pas pourquoi des crématoriums pourraient en refuser », confirme Amanda Clot.
Pour les fabricant·e·s de cercueils en carton, l'explication est claire : il y a un trop fort lobby du bois en France. La société Art coffins a dû cesser son activité en début d'année. « Il n'y a aucun accès au marché, regrette Nicolas Dupont. Quand vous commencez à vendre, on vous bloque. Des pressions sont faites auprès des clients. » « Les crématoriums, liés aux grands groupes du monde funéraire, ont beaucoup à y perdre financièrement, surenchérit Brigitte Sabatier. Les cercueils en carton ne leur donnent pas une marge suffisante. » Un cercueil en carton d'entrée de gamme vaut environ 300 euros quand les premiers prix d'un cercueil en bois sont de l'ordre de 600 euros.
« Dans les commissions, il y avait des visages qui revenaient souvent, des personnes à la fois juge et partie. (...) Ils étaient liés aux cercueils en bois et nuisaient à l'aboutissement de notre projet. » Nicolas Dupont, ancien gérant de la société Art coffins
En outre, les crématoriums exigent souvent que les cercueils en carton aient reçu une norme Afnor (Association française de normalisation). Elle n'est pas exigible au sens réglementaire. Mais, dans les faits, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation) se base sur cette norme pour évaluer l'attribution d'un agrément, la rendant implicitement obligatoire. « Cette norme a été fixée par le FCBA [Institut forêt cellulose bois ameublement, ndlr], des membres de la filière bois !, explique Brigitte Sabatier. Il était hors de question qu'ils testent mon cercueil en carton, alors je suis passée par le LNE (Laboratoire national de métrologie et d’essais) pour obtenir la norme, avant de recevoir l'agrément de l'Anses. »
Concernant la société Art coffins, Nicolas Dupont n'émet pas de réserve vis-à-vis du FCBA. L'Anses est davantage la cible de ses critiques : « Dans les commissions, il y avait des visages qui revenaient souvent, des personnes à la fois juge et partie, détaille-t-il. Ils étaient liés aux cercueils en bois et nuisaient à l'aboutissement de notre projet. » Finalement, la norme Afnor (Association française de normalisation) fut « un mal pour un bien », selon Brigitte Sabatier. Les crématoriums ne refusent plus son cercueil, si bien qu'elle a aujourd'hui « pérennisé [s]on activité ». Tout le contraire d'Art coffins, incapable de s'imposer sur un marché dont l'accès reste difficile et où l’avenir du cercueil en carton reste opaque.