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Plus paritaire, plus jeune et plus à droite : le profil du député européen français

Plus féminin, plus jeune et plus à droite, le profil du député européen français a largement évolué depuis 1979, date de la première élection européenne soumise au suffrage direct par les citoyens du vieux continent. Retour sur 40 ans d’élections.

De plus en plus de femmes élues

Elles ne représentaient que 22 % des députés européens français lors de l’élection de 1979. Aujourd’hui, les femmes sont autant représentées que les hommes comme le prouvent les chiffres de la dernière élection de 2019, avec 37 femmes et 37 hommes élus. Une parité que nous retrouvons dans d’autres pays européens tels que les Pays-Bas, le Luxembourg, la Lettonie, l’Autriche ou encore la Slovénie. 

Du côté des mauvais élèves en terme de parité hommes – femmes, nous retrouvons la Grèce. Les 21 sièges qui leur sont octroyés sont occupés par 75 % d’hommes ou encore Chypre, qui ne compte que six députés européens. Tous des hommes. 

Certains pays comme l’Espagne (47% de femmes) l’Italie (41%) sont sur la voie de la parité sans y parvenir totalement. En Belgique (62%) et en Allemagne (64%), les hommes représentent toujours près des deux tiers des représentants européens.

Si nous pouvons, au fur et à mesure des élections, remarquer que les femmes sont de plus en plus élues députées au sein de chaque pays de l’UE, nous allons plus particulièrement nous intéresser au cas français. Et se demander comment nous sommes passés de 22% de femmes en 1979 à 50% en 2019.

Pour le cas de la France, cela s’explique notamment par différentes lois qui ont été votées afin de promouvoir l’égalité femmes-hommes. Voici une chronologie, en quelques dates, qui permet de montrer l’évolution des dispositions en faveur de cette égalité.

1944 : Ordonnance accordant le droit de vote et d’éligibilité aux femmes.

1946 : Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines est désormais inscrit dans le préambule de la Constitution.

1979 : Simone Veil première femme élue présidente du Parlement européen.

Si l’ordonnance du 21 avril 1944 établit que les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes, celle-ci restent sous représentées lors des élections politiques, qu’elles soient municipales, départementales ou nationales.

Les années 90 marquent alors un tournant pour faire évoluer la loi afin d’avoir une représentation politique égalitaire entre les sexes.

« En France, dès 1989, et donc avant même la loi sur la parité, les Verts ont proposé une liste paritaire, ce qui a contribué à mettre ce sujet à l’agenda politique et poussé les autres à suivre le mouvement», racontait le sociologue et politologue Willy Beauvallet, au journal le Figaro à la veille des élections européennes de 2019.

1999 : Modification des articles 3 et 4 de la Constitution. Il est ajouté à l’article 3 que la loi « favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », et précisé dans l’article 4 que « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe ». 

Ces partis politiques sont donc mis devant leur responsabilité et c’est un an plus tard, en l’an 2000, que les choses avancent concrètement. Pour rappel, lors de l’élection européenne de 1999, pour le cas français, les femmes sont seulement 40% à occuper des sièges de députées, contre 60% pour les hommes.

Loi du 6 juin 2000 : Obligation de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste, et instauration d’un système de retenue financière pour les partis politiques qui ne respectent pas la parité́ (2% d’écart maximum entre les deux sexes) des investitures lors des élections législatives.

«Le Parlement européen était alors perçu par les partis traditionnels comme un espace moins prestigieux, idéal pour répondre à cet impératif de féminisation, sans remettre en cause les logiques d’attribution des postes de pouvoir au niveau national, souvent dédiés aux hommes», décryptait Willy Beauvallet.

2008 : Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République : vers la parité dans les responsabilités professionnelles et sociales. L’article 1er de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Lors des élections européennes de 2009, 44% des députés européens français sont des femmes, contre 56% pour les hommes. 

Loi du 17 mai 2013 : Instauration du scrutin binominal – une femme et un homme – pour les élections départementales : l’alternance stricte femme-homme est désormais appliquée aux communes de 1 000 habit- tant-e-s et plus, et la liste des candidat-e-s au conseil communautaire devra également respecter cette alternance.

Loi du 4 août 2014 : Généralisation de la parité : Le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités s’applique désormais dans tous les secteurs de la vie sociale, du (fédérations sportives, mutuelles, ordres professionnels, commissions consultatives placés auprès du gouvernement, etc.)

En France, toutes ces lois pour la parité femmes-hommes ont permis de voir, au fur et à mesure des années, de plus en plus de femmes investies en politique. Bien qu’elles n’étaient que 16 en tête sur les 33 listes des plus importants partis politiques français Rassemblement national, La République en marche, Les Républicains, Europe écologie – Les Verts, La France insoumise, Place publique Parti socialiste Nouvelle Donne, Debout La France, Parti communiste, Génération.s, Gilets jaunes, Union des démocrates et indépendants, Les Patriotes, Lutte ouvrière, Union populaire républicaine – elles sont 37 à avoir récupérer un siège au sein du parlement de Strasbourg, soit autant que les hommes.

Et si le profil du député européen se féminise depuis 40 ans, il rajeunit également.

Un Parlement européen qui rajeunit et se renouvelle

Le député européen français élu en 2019 est légèrement plus vieux que la moyenne de 28 pays membres. Il était âgé en moyenne de 49,9 ans contre 49,5 ans tous pays confondus. Ces deux chiffres sont en baisse par rapport à la précédente législature. En 2014, le député européen avait en moyenne 51,2 ans au moment de son élection tandis le député européen français avait en moyenne 59,5 ans.

La neuvième mandature n’est cependant pas la plus jeune en ce qui concerne les députés européens français. Il s’agit de celle débutée le 27 juillet 1989 avec une moyenne de 48,3 ans. En France, comme dans la majorité des pays européens, il est possible de devenir député européen à partir de 18 ans. Cependant, les Français n’ont élu qu’à deux reprises un député de moins de 25 ans. En 1989, Nora Mebrak-Zaïdi, issue de la liste Progrès pour l’Europe (PS), est élue à 24 ans tandis qu’en 2019, il s’agit de Jordan Bardella, tête de liste Rassemblement national, élu à 23 ans.

Depuis 1979, les 45-65 ans sont majoritaires parmi les députés européens français et 2019 ne déroge pas à la règle. Mais on remarque une nette augmentation du nombre de députés âgés de 25 à 45 ans. En 1979, ils n’étaient 19 contre 30 en 2019. Parmi la délégation française au Parlement européen, on compte quasiment aujourd’hui autant de députés âgés de 55 à 65 ans (22) que de députés âgés de 35 à 45 ans (21).

L’importante variation dans l’âge moyen des députés européens peut s’expliquer par la promesse de renouvellement des deux partis arrivés en tête des résultats de ces élections, la République en marche et le Rassemblement national. Un renouvellement qui a eu lieu puisque seulement un quart des candidats élus en 2019 siégeaient déjà au Parlement européen entre 2014 et 2019. La liste MoDem-LREM ne comptait par exemple que deux députés sortants, Dominique Riquet et Pascal Durand, respectivement en seizième et dix huitième position.

En outre, près d’un député sur trois (28%) n’avait jamais exercé de mandat politique. Parmi eux, on notera toutefois la présence de conseillers politiques tels que Stéphane Séjourné et Gilles Boyer, jusqu’alors conseiller d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe ou Catherine Griset, ancienne cheffe de cabinet de Marine Le Pen.

Cette tendance participe aussi à la lutte contre un reproche souvent fait au Parlement européen. Celui d’être une « maison de retraite dorée » pour les parlementaires de toute l’Europe. Le Parlement européen reste pourtant plus jeune que l’Assemblée nationale dont les membres sont âgés en moyenne de 51 ans.

Une représentation bipolaire qui suit la tendance nationale qui se droitise

Les élections de 2019 est également une année de rupture en matière de représentation politique française au Parlement européen. Elles suivent la nouvelle bipolarité de la politique française entre La République en marche, libéral-démocrate, et le Rassemblement national, nationaliste.

Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler que les partis siègent en groupes au sein du Parlement européen. Ainsi des partis d’obédiences diverses peuvent siéger ensemble sans toujours partager des doctrines similaires, voire parfois opposés. Par exemple, le groupe actuellement majoritaire à Strasbourg, le Parti populaire européen (PPE), rassemble le Parti chrétien-démocrate allemand (CDU) et le Fidesz dont est issu le Premier ministre hongrois Viktor Orbàn.

Entre 1979 et 2014, la représentation française majoritaire suit les deux grandes orientations de la vie politique française entre droite conservatrice (1979, 1984, 1999 et 2009) et gauche socio-libérale (1989, 1994 et 2004). Ce sont d’ailleurs les deux seules mouvances politiques toujours représentées au cours des neuf scrutins européens.

Le parti français majoritaire à Strasbourg n’est pas le même qu’à l’Assemblée nationale.

A partir de 2014, c’est l’extrême-droite qui remporte les élections européennes et devient le premier parti français au Parlement de Strasbourg. Les députés nationalistes y ont fait leur entrée à partir de 1984. Certains élus de 1984 comme Jean-Marie Le Pen conserveront leur siège jusqu’en 2019.
Depuis 1984, il y a toujours une représentation française d’extrême-droite à Strasbourg. Elle siège dans un premier temps au sein du Groupe des droites européennes (DE), puis avec le groupe Europe des Nations (EDN) en 1994. Le scrutin de 1999 voit l’élection d’élus de deux listes nationalistes : 6 élus Chasse, Pêche, Nature et Traditions qui siègent au sein du groupe Europe des démocraties et des différences (EDD) et 5 élus Front National affiliés au groupe technique des députés européens. A partir de 2004 et jusqu’en 2014, les nationalistes français font le choix de ne s’allier à aucun autre parti européen et de siéger comme non-inscrits. En revanche, à partir de 2019, ils s’allient à 8 autres partis européens pour former le groupe parlementaire Identité et Démocratie (ID), cinquième force politique au Parlement européen.

Cette représentation nationaliste eurosceptique s’ancre dans un phénomène globale à l’échelle européenne mais prend une dimension particulière en France. Seule l’Italie compte actuellement plus de représentants nationalistes au Parlement européen (29).

L’actuelle représentation française au Parlement européen est symptomatique de la division des Français sur l’avenir de l’Union européenne. Depuis le départ du Royaume-Uni de l’UE et par conséquent de ses représentants au Parlement européen, le Rassemblement national (RN) et La République en marche (LREM) compte exactement le même nombre d’élus à Strasbourg (23). Ces deux partis ont une vision radicalement opposée de l’Union européenne. Pour le RN, il est nécessaire de réaffirmer une Europe des nations voire de quitter l’UE tandis que les élus LREM siègent au sein d’un groupe dont certains partis membres appellent à une union fédérale européenne dans laquelle les pays ne seraient plus que des régions.

Méthodologie :

Pour rédiger cet article, nous sommes servis de données publiées par le Parlement européen. A partir de cela, nous nous sommes créés notre propre base de données, notamment en ce qui concerne les âges des députés européens qui n’y étaient pas renseignées. Pour cela, nous sommes servis du site France Politique, tenu par  Laurent de Boissieu, journaliste politique pour le quotidien La Croix.
Pour les data visualisations, nous nous sommes servis de l’outil Flourish. Par souci de lisibilité, nous n’avons représenté que les années 1979, 1989, 1999, 2009 et 2019.
Nous avons tenté sans succès de contacter des politologues et des sociologues afin de faire commenter nos données par des experts. Sans réponse de leur part, nous nous sommes résignés à décrire les données obtenues.

 

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